Mort naturelle, aide médicale à mourir ou mort volontaire?
Questions pour démarrer la discussion:
1- Que pensez-vous de l’aide médicale à mourir ? La demanderiez-vous ?
2- Pensez-vous que votre vie vous appartient au point que vous seul.e pouvez décider du moment et des conditions de votre mort ?
3- Pensez-vous que la société n’a qu’à vous fournir les moyens si vous choisissez la mort volontaire, par exemple en rendant l’aide médicale à mourir accessible à toute personne qui la demanderait ?
4- Si une personne avec qui vous avez une relation signifiante choisissait la mort volontaire ou l'aide médicale à mourir, croyez-vous qu’elle a un devoir de vous préparer à faire le deuil de cette relation ? Comment ?
5- Y a-t-il une autre façon d’envisager la fin de vie? Croyez-vous qu’il faut aussi considérer une autre avenue non abordée dans ce texte?


On a fait beaucoup de chemin depuis 50 ans comme le démontrent quelques situations auxquelles j’ai été témoin. Alors que la mort était un sujet pratiquement tabou dans les années 1970-1980, on est aujourd’hui de plus en plus confortable à envisager sa fin de vie et même disposé, lorsque c’est possible, à planifier ses derniers instants.
Il y a près de 50 ans, à quelques jours du décès de mon père d’un cancer généralisé, des amis venaient le voir et lui parlaient encore de voyages de pêche qu’ils pourraient faire ensemble dans les prochaines semaines. Il y avait comme une règle tacite qu’on ne pouvait pas parler de la mort. Mon père est donc décédé et il n’a été possible de lui dire tout au plus : « Les médecins sont très inquiets à votre sujet. »
15 ans plus tard, c’était mon beau-père qui arrivait à cette étape. Alors qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre, des membres de la famille ne pouvaient envisager qu’il soit envoyé à la Maison Michel Sarrazin. Heureusement, nous avons pu le faire et mon beau-père est parti sereinement, entouré de ses proches.
Quel contraste avec des expériences vécues récemment. Mon beau-frère Pierre dont la condition baissait rapidement a, une fois rendu dans une maison de soins palliatifs, connu un regain de vie. Il a pu vivre deux ou trois semaines supplémentaires et recevoir la visite de ses proches. Il n’arrêtait pas de dire comment il était chanceux : il n’y avait que 12 places à cette résidence et il pouvait profiter d’une de ces places.
Plus récemment encore, mon ami Gilbert sentant sa fin approcher et conscient des efforts grandissants que sa condition imposait à sa conjointe, a demandé lui-même d’aller dans une maison de soins palliatifs. Il a pu pendant quelques jours accueillir parents et amis avec qui faire ses adieux en se rappelant de bons moments vécus ensemble. Gilbert n’a pas demandé l’aide médicale à mourir mais il était prêt à le faire la journée où il aurait été dans l’incapacité de lire. Il a planifié lui-même une bonne partie de ses obsèques en choisissant les personnes appelées à témoigner et en décidant des détails de la célébration.
Pour moi, les départs de Pierre et de Gilbert sont des modèles inspirants et je souhaite vivement pouvoir quitter ce monde de cette manière : ils sont partis au terme d’une maladie qui ne s’est pas éternisée, encore en possession de leurs facultés, en sachant que la fin était proche et en l’assumant. Toutefois, j’admets qu’il n’est pas toujours possible de contrôler totalement le scénario de sa fin de vie. Nous pouvons quitter ce monde subitement (ex. : accident d’auto) ou, à l’inverse, dépérir lentement pendant des années, atteints d’une maladie dégénérative qui nous fait perdre progressivement nos facultés cognitives au point, au moment de notre décès, de n’être plus du tout la même personne.
D’une certaine façon, la législation sur l’aide médicale à mourir qui continuera à se raffiner règle la partie la plus facile en permettant à des gens dont la mort est proche de planifier leur fin de vie. Il reste à trouver une bonne façon de pouvoir planifier sa fin de vie alors que la maladie entraîne des pertes cognitives de plus en plus importantes.