Inspiré du livre Populism A Very Short Introduction et de ses propres expériences, le professeur de philosophie politique de l’Université de Toronto, Joseph Heat, a prononcé une brillante conférence sur le populisme le 21 mars 2025 à Québec, sous l’égide du Certificat sur les grandes œuvres de la culture occidentale. Selon sa « théorie psychologique du populisme », ce phénomène autant de droite que de gauche est à la fois une idéologie minimale et une stratégie électorale dans les sociétés démocratiques.
Heat souligne d'abord que le populisme divise la société en deux camps homogènes et antagonistes, le peuple pur et les élites corrompues, et qu'il se présente comme l’expression de la volonté du peuple sous le slogan du « gros bon sens ». C’est donc deux façons de penser, deux systèmes qui s’opposent: 1- intuitif et heuristique; 2- rationnel, cognitif et analytique, avec leurs caractéristiques bien campées. Le premier, le populisme, réfléchit rapidement, expose facilement ses solutions et baigne dans une certaine inconscience. Le second, les élites, est marqué par la lenteur de sa réflexion, la démonstration ardue de ses solutions, basées généralement sur la science. Il en résulte que le « peuple » est porté à se reconnaître davantage dans le premier style de pensée, « le bon sens », alors que l’autre est perçu comme dissocié, souvent étiqueté comme un groupe d’élites et d’experts « corrompus » parce que dissociés du peuple auquel ils imposent leurs solutions.
Selon Heat, co-auteur du best-seller international Révolte consommée, les deux systèmes sont en conflit, mais, pourtant, les deux sont indispensables. Il compare le système intuitif au « hardware » du monde informatique, la machine, et le système cognitif au « software », les logiciels. Pour fonctionner, l’ordinateur, donc la société, a besoin des deux. Par exemple, quand les populistes affirment que le système judiciaire n’est pas assez sévère, ils se basent sur la croyance que la punition est plus efficace que la récompense, alors que les experts peuvent démontrer que la réalité « étudiée » dit exactement le contraire et que cette croyance est donc une illusion. Mais les premiers continueront de penser que le « bon sens » leur donne raison. Même situation conflictuelle pour d’autres questions complexes comme l’immigration, le commerce international ou les règles prudentielles (lois et règlements).
« Nous n’avons pas le choix de combattre le populisme, affirme Joseph Heat, mais il faut d’abord le comprendre ». Vouloir remplacer le style 1 par le style 2 serait une erreur selon lui parce qu’il y a aussi des biais cognitifs dans le style 2 qui peuvent tout aussi bien conduire à des croyances et des illusions. La solution en démocratie demeure l’action collective, selon Heat, mais en évitant d’utiliser les slogans populistes, car le peuple, dont l’attention sera toujours limitée, se sentira trahi par l’imposition de solutions forcément complexes puisque les problèmes le sont.


