Donald Trump et sa clique ne sont pas un accident de parcours en politique américaine et mondiale. Ils ne sont que l’aboutissement des 40 ou 50 dernières années dominées à l’échelle mondiale par l’idéologie du néolibéralisme et de la mondialisation. Le crédo du néolibéralisme se résume en un mot : déréglementation. Les marchés doivent le moins possible être soumis à des règles et des lois pour préserver l’ordre ou pour protéger le bien commun, par exemple la planète. C’est ainsi que tous les gouvernements, non seulement aux États-Unis, y compris celui d’Obama, mais aussi au Canada et en Europe, n’ont cessé depuis des décennies de signer des accords de libre-échange afin de « libérer » les marchés en éliminant le plus possible de contraintes à la circulation des biens et services.
La pandémie de Covid-19 a exacerbé au plan individuel ce besoin d’abolir les règles et les lois, au nom de la liberté, dans la partie « libertarienne » de la population, c’est-à-dire les personnes pour qui la liberté individuelle est sacrée dans les échanges économiques et dans les rapports sociaux et politiques. La table était mise pour qu’un richissime libertarien comme Donald Trump réussisse à prendre le contrôle à la fois du pouvoir économique et du pouvoir politique en utilisant la rhétorique du populisme (le système est corrompu jusqu’à l’os) et en utilisant efficacement les algorithmes. Il a donc commencé, avec sa clique d’oligarques, à démolir tout l’édifice social mis en place dans les cinquante dernières années et à s’approprier individuellement les richesses collectives.
Selon le dictionnaire Antidote, un oligarque est une « personne extrêmement riche et puissante, généralement un industriel russe qui a fait fortune à la suite de la dissolution de l’Union soviétique et de la privatisation de ses ressources.» Dissoudre l’Union soviétique n’a été rien d’autre que déconstruire l’État, ce à quoi se sont attaqués depuis le 20 janvier dernier Trump et sa clique, qualifiés faute de mieux d’oligarques américains.
Ce n’est pas la première fois que cela arrive dans l’Histoire. Par exemple, la démocratie athénienne a été renversée en 404 avant notre ère par trente aristocrates qui, n’ayant pas hésité à tuer presque tous leurs opposants, ont mis en place le régime basé sur la force et la terreur appelé les Tyrans d’Athènes.
Mais face à des tyrans ou à des oligarques, la résistance s’organise et réussit très souvent à mettre fin à leur régime. Les Tyrans d’Athènes ont duré moins d’un an! Pensons à la résistance à l’occupation allemande pendant la Deuxième guerre mondiale ou à toutes les histoires héroïques contre les dictatures d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie ces dernières décennies. La même chose se passe présentement aux États-Unis : la résistance s’organise.
Et ici, au Canada, qu’en est-il? Trump a déclenché dès son élection le 20 novembre 2024 une guerre économique dont la logique échappe à tous les observateurs. Plusieurs cependant, Justin Trudeau en tête, croient qu’il est sérieux dans sa volonté de faire du Canada le 51e état américain. C’est par la « force économique », a-t-il déclaré qu’il arriverait à ses fins.
La résistance a commencé dès les premiers coups de semonce de Trump. Au niveau gouvernemental, par des représentations auprès d’alliés américains pour contrer les tarifs, par des plans pour rendre la Canada moins dépendant du marché américain et en facilitant le commerce entre les provinces.
À notre échelle de citoyens et de citoyennes, l’achat local est devenu un réflexe pour plusieurs. Mais ce n’est pas assez, lance Laure Waridel en nous invitant à ne pas répéter la même erreur que les Européens qui ont laissé Hitler s’organiser dès son élection en 1933. En plus de l’achat local, il y a une panoplie d’autres moyens de résistance : modifier un projet de vacances pour ne pas aller aux Etats-Unis, se désabonner de plateformes comme Netflix, Facebook, X. Ne plus acheter chez Amazone. Mieux s’informer à des sources sûres plutôt que seulement sur les réseaux sociaux. (Voir sur ce forum la section Articles, livres et informations sûres). Manifester devant les concessionnaires Tesla comme le font certains Européens et des Américains dans le mouvement Tesla Takedown.

Pour ma part, je me suis désabonné de Netflix, mais je n’arrive pas à quitter Facebook faute d’alternative efficace. N’étant pas un grand utilisateur d’Amazone, je réussis à m’en passer. Depuis un an je fais moi-même une heure de piquetage avec des amis chaque samedi devant l’Assemblée nationale du Québec sous le nom des Colibris pour Gaza. Nous ne voulons pas que notre sentiment d’impuissance devant le drame humain sans nom qui se déroule sur la bande de Gaza nous conduise dans l’indifférence. C’est pourquoi nous obligeons notre corps à se tenir debout physiquement devant notre parlement pour que cette posture aide notre esprit à rester droit selon nos convictions. Inspirés par le conte autochtone du colibri dans le feu de forêt (alors que tous les animaux fuient la forêt embrasée, il va chercher une goute d’eau et revient pour la laisser tomber sur le feu; à un animal qui lui demande pourquoi il fait un geste aussi inutile, il répond: « Je fais ma part!), nous n’avons aucune prétention d’influence politique, si ce n’est sur nous-mêmes.
Une deuxième intention s’ajoute maintenant à notre piquetage pour la paix : résister aux oligarques!
Lorsque le découragement m’envahit, je relis cette lettre de Gabriel Nadeau-Dubois, lors de l'annonce de sa démission de Québec Solidaire, le 20 mars 2025, ou cet extrait d’une lettre de Bernie Sanders, ou l’article de Josée Blanchette Ça se peut que toute - Fragments de résistance, ou celui d’Émilie Nicolas Sur l’héroïsme ou encore cette pensée de Christiane Singer sur notre peur que nous devons congédier. Je vous invite à ajouter les textes ou vidéos qui vous font du bien et à les partager dans la section « Pour comprendre ce qui nous arrive ».
Voici donc les questions pour démarrer la discussion. Je hâte de vous lire!
Salut Marcel,
Trois commentaires :
Où puis-je me procurer me procurer un autocollant Tesla ? (je suis bien allé chez mon concessionnaire, oui, oui, mais il n'en avait pas. J'ai bien rigolé)
Je boycotte évidemment les produits américains. Les oligarques, oui, mais il ne faut pas escamoter le rôle de Donald Trump lui-même, car un dictateur s'installe et nos devons aider nos voisins à en prendre conscience.
Enfin, je suggère cette lecture complémentaire aux participants du blogue. Il s'agit de mon premier article spécialisé en science politique (mon activité de retraite!). Il suggère que l'inefficacité du système politique états-uniens, autrefois considéré comme un modèle, a contribué à l'élection de Trump.
Version française : L'anomalie Trump : Analyse de la crise politique américaine et des causes institutionnelles de sa victoire
English version : An institutional explanation for the Trump anomaly
Bonne lecture. Vos commentaires sont bienvenus (en lien avec le blogue, bien sûr).